top of page

Dans le brasier du monde


Il y a comme une sorte de jubilation destructrice qui traverse l'échine du monde. Pris, comme chacun, dans les bruits de cet orage incendiaire, tandis que tonnent les bombes, que sifflent les obus et que bourdonnent les drones mortifères, je me demande en quoi Israël peut préfigurer notre avenir.


En 1982, j'étais dans une gare de Jérusalem. Brusquement des sirènes ont sifflé. Des militaires sont arrivés dans le tourbillon d'un mouvement de foule... Tout cela, à cause de la menace potentielle d'un sac oublié par un voyageur distrait. Une dizaine d'années plus tard, en France, dans une gare parisienne, j'ai revécu presque la même scène, en réalisant avec un stupeur qu'elle correspondait à celle vécue en Israël. J'ai réalisé alors - et je me souviens de l'avoir pressenti à Jérusalem - que cette situation était annonciatrice d'un état du monde plus fragile et instable, et disons-le, plus dangereux. Nous sommes en plein dedans.

J'aime le travail intense d'interprétations bibliques assorti de toute l'orfèvrerie de métaphores auxquels s'adonnent les théologiens juifs pour expliquer le temps présent. Abraham, Isaac, Esaü et Ismaël sont convoqués pour décrypter l'impensable, juguler l'horreur, verbaliser la stupeur. Les juifs ont un atout de taille : ils peuvent puiser dans les réservoirs de sens de leur histoire, y retrouver les paroles vives qui réchauffent les cœurs et qui les relient. Ils peuvent surtout, parce qu'ils ont conservé l'art de faire coïncider l'être et les lettres, remonter le fleuve de la Torah jusqu'à la source des maux.


Saurons-nous le faire, lorsque notre quotidien sera à son tour, malmené, pris à la gorge, exposé à la chaux vive de l'inhumanité ? Quel récit constituera alors le cordon sanitaire de sens pour nous permettre de faire face à la face du néant ?

Se pourrait-il que toutes les menaces qui s'annoncent dans un déluge de tsunamis soient des appels à forger le nouveau récit, le grand récit de tous les sapiens, cette fois grand ouvert à l'estuaire de toutes nos humanités ?


RSS Feed
bottom of page