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Quand la fragmentation du monde tourne à plein c'est que son unification s'accèlère !


Toujours, il est le voyageur des cycles et sa route va de l'avant. Sri Aurobindo, le Cycle Humain.

La machine à fragmenter tourne à plein.

Entre les complotistes et les collapsistes, les survivalistes, les tenants de l'écologie radicale, les spécistes, les anarcho-gauchistes, les identitaires, l'émergence des nouvelles idéologies différentialistes et décolonialistes qui appellent les ex-peuples colonisés de couleur à imposer des règlements de compte à l'homme occidental moyen blanc, sans oublier les idéologies religieuses radicales hindoues, sionistes, islamistes, protestants fondamentalistes, etc... On se dit qu'il faut s'accrocher !

Le paradoxe c'est que ce mouvement est justement le signe d'un processus d'unification qui s'intensifie.

L'apparition de l'imprimerie au XVème siècle a donné lieu à une incroyable quantité de courants de pensées hétérodoxes qui on trouvé le support souvent clandestin de leur diffusion.

On pense à la Réforme protestante et certains de ses courants souterrains qui ont imposé la liberté de conscience... sans que les bûchers et les tortures n'arrêtent la diffusion des idées : les livres, fascicules. continuaient à promouvoir la pensée des auteurs martyrs, à contourner les censeurs et à leur gagner les coeurs.

Gageons que si les cathares et autres bonshommes étaient apparus deux siècles plus tard, leur église serait encore parmi nous aujourd'hui. Tout cela pour dire que l'imprimerie a littéralement fait exploser le monde occidental ordonnancé par une chrétienté qui exerçait une domination absolue des consciences et avait le monopole coercitif du savoir.

Ce faisant l'imprimerie a produit un énorme et gigantesque désordre ! Les premières grandes publications à succès de ses débuts était les pamphlets et transcriptions de prêches de sectateurs, illuminés et nouveaux prophètes pour lesquels le désordre du monde annonçait (déjà !) la fin des temps.

Les fameuses guerres de religions, la révolution française et quelques autres sont filles de l'imprimerie... Elles on finit par imposer des traités de co-existence et des évolutions du droit qui restent encore des socles - certes imparfaits - sur lesquels reposent les sociétés démocratiques.

La religion, tout au moins dans une partie notable du monde mais pas la moindre, a été débouté de son contrôle coercitif et monopolistique sur la connaissance et la vérité.

Progressivement la science, du moins une certaine science a pris le relais. Rapidement elle est devenue "science officielle" sous le contrôle des états-nations et de leurs idéologies avec de timides instances de validations académiques rapidement dominées par les lobbys politiques, économiques et militaires.

De cette science officielle qu'on appelait le matérialisme dialectique en URSS à celle du capitalisme industriel, colonial et scientiste du XIXème et XXème siècles jusqu'à celle ultra-libérale sous emprise des lobbys financiers d'aujourd'hui on pressent bien qu'un certain récit du monde est resté relativement sous contrôle.

On pouvait s'attendre avec l'accroissement exponentiel de l'alphabétisation et de l'éducation massive durant le XXème siècle et sa généralisation à la planète que ce récit biaisé allait être remis en cause.

Dans ce sens on peut comparer la révolution internet et celle de l'imprimerie. Elles ont en commun de libérer la parole des minorités, d'ouvrir des espaces de communication et d'échanges subversifs...de produire du désordre... mais la différence c'est qu'internet le permet dans des proportions jusqu'alors inimaginables.

C'est dans ce sens que la fragmentation dont nous parlions au début est à l'oeuvre.

Internet donne la parole à des millions de personnes, qui portent des versions de la réalité jusqu'alors minorées et trouvent enfin des espaces d'expression et de légitimité. Il permet d'engager des initiatives en réseau en s'appuyant sur des modèles collaboratifs inédits, déterritorialisés et des processus de validation qui ne dépendent plus d'instances du savoir officiel. Ce savoir officiel est désormais investi du soupçon du fait de ses collusions avec les lobbys divers qui dominent des pans entiers de la réalité.

C'est pourquoi on assiste à une remise en cause générale des légitimités officielles des récits du monde, du savoir, de la vérité et du politique. Un grand chaos carnavalesque ou le simulacre, le semblant, le vraisemblable, le refoulé se battent sous les projecteurs pour gagner des espaces d'attention, des likes, des partisans à leurs causes partisanes.

Mais en quoi cette fragmentation est-elle un signe d'unification ? - Parce qu'elle est un processus.

Dans le magma des nouvelles formes politiques, religieuses, sectaires, idéologiques radicales ou moins radicales qui pullulent, dans le besoin de légitimité et de reconnaissance qui les traversent, dans la prise de parole publique qui se pose, dans le tourbillon fou des expressions les plus chaotiques et paradoxales, mais aussi dans la remarquable disposition à l'expression démocratique se fabrique l'émergence de nouvelles instances de la science et du savoir, de l'économie et des futures formes politiques et sociétales.

L'apparente violence des confrontations que permet internet ne doit pas faire illusion. Au-delà de l'écume de cette violence des régulations nouvelles se préparent.

Inutile de se noyer dans la fragmentation et ses compulsions frénétiques mais soyons attentifs aux processus général, aux dynamiques unificatrices qui la travaille autour de grandes valeurs comme la justice, l'équité, l'exigence de vérité, la démocratisation du savoir, la pluralité des mondes et des légitimités, les nouveaux droits de la nature, la responsabilité....

Dans un chaos qui s'écrèmera de lui-même, qui invalidera ses formes les plus extrêmes, sachons voir la forêt qui pousse. Derrière l'arbre bruyant et racoleur qui - par la peur, le ressentiment, la pulsion sectaire, la haine de soi et de l'autre, le virus du soupçon radical - veut s'accaparer notre attention gardons l'oeil sur les germinations du dehors et du dedans. Gardons la vision évolutionnaire.


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