Un virus évolutionnaire !
On y arrivait pas !
Comment remettre en cause un modèle global aussi teigneux dans sa volonté à se perpétuer sur le dos de tous au seul profit de quelques-uns ? Ni la contestation depuis les forums sociaux des années 2000, ni les manifestations radicales, ni les indignations des stars « climatiques » ne parvenait à le faire bouger d'un iota ! Ni les messages vertueux du pape et autres écolo-moralistes, ni le naufrage financier de 2008 n’ont impacté réellement sa peau de bison, aguerrie par des siècles d'insensibilité à l'exploitation ?
Tout ce qui pouvait parler à notre raison, à notre émotion, à notre morale nous donnait certes quelques frissons d’indignation, des colères passagères et des poussées grandiloquentes d’espoir. Mais cela restait dans l’ordre des petites concessions, des grandes déclarations, des mesurettes et des idées idéales.
L'urgence des changements planétaires en lien directs avec nos comportements pouvaient bien nous tarauder la conscience, nous piquer l'échine, nous faire de temps en temps rebrousser le poil en s'invitant à nos tablées professionnelles et familiales.
Mais on pouvait encore continuer à s’offrir du bon temps. Des vacances un peu honteuses au bout du monde en se tassant dans le siège d'un cigare à kérosène. On pouvait faire la java en écoutant la javanaise. Et on pouvait aussi de temps en temps griller allègrement des merguez en faisant des manifs pour « pousser son coup de gueule ». On pouvait aller «faire un geste sympa pour la planète» avec le dernier smartphone en poche pour se retrouver ensuite à faire la queue dans les supermarchés bio, à grogner dans les bouchons, à mendier chez le banquier. Tous finalement bien pris dans le filet, bien coincés dans les rouages gigantesques de la grande machine.
On pouvait aller méditer dans la nature, prier dans le temple puis se retrouver seul à gérer des factures, à soutenir à bout de bras un parent en fin de vie - tandis que la radio nous ânnonait les quelques milliards de prises d’intérêt massifs dans les bourses du monde.
Nous étions dans le "tout change et rien ne change". Avec un goulot trop étroit pour nous permettre tous ensemble de sortir la tête du bocal. « Réajuste tes idées à la réalité bonhomme sinon tu vas faire la queue à la soupe populaire ». Combien de fois l’ai-je entendue celle-là ? !
Mais ne voilà-t-il pas que subitement le vent tourne !
Une entité microscopique, née d’une obscure contagion animale fomentée dans un marché d’une non moins obscure province chinoise surfe à présent sur nos respirations. Cette vérole nage dans le plancton de nos postillons, plonge indistinctement dans tous les poumons à sa portée – peu importe la religion et la race - et y flambe à coups de quintes en nous vrillant le souffle jusqu’aux trous noirs des ultimes étouffements !
Fallait-il cela pour nous réveiller ?
Par ce virus mondialisé nous voilà impactés dans notre intégrité physique immédiate : c’est le souffle de la vie qui est en question, la respiration fondamentale qui est mise en cause en chacun de nous ! Voilà qui peut nous mobiliser enfin ! N’est-il pas temps ?
Tandis que les hôpitaux s’engorgent et que partout les lits sont comptés, des milliers de micro-révolutions de la conscience personnelle et collective sont enclenchées à toutes les échelles de la réalité !
Ce que ni le Pape, ni les religions, ni les stars écolos, ni les foules de culpabilisateurs médiatiques ne parvenaient à faire depuis des décennies, un ridicule virus, sournois, têtu, motivé, acharné à se répandre comme la peste l'impose en quelques semaines !
Désormais il ne s’agit plus de militantisme ponctuel mais de la question humaine qui nous empoigne tous et chacun aux tripes, tout au fond, tout proche des terriers où veillent les tapirs de l'inconscience et de la panique.
Mais aussi tout proche des cocons de rêves d'humanité et de beauté engrammés par l'univers dans les cryptes de nos cellules.
Les temps à venir vont nous tenir en haleine entre les deux options. Sur une crête ardente et fragile. Alors faisons le choix de la révolution consciente ! Celle qui dit oui, qui accueille, qui prévient, qui aime !
Une révolution contagieuse de la conscience
J’aimerai partager quelques constats de cette révolution évolutionnaire en mettant en avant ceux qui à mes yeux changent enfin la donne !
- Les politiques face à l’affolement des boussoles et l’incertitude anxiogène sont contraints de sortir de leurs jeux de séduction, de dépasser le cynisme politicien et de mettre enfin les mains dans le cambouis de la responsabilité. Désormais des millions d'yeux scrutent leurs gestes, évaluent leurs postures, attendent des actes et des résultats...
- Les familles se retrouvent ensemble dans des temps d’intimité et de solidarité inédits. Les paroles vont éclore. Des fraternités vont s'épanouir dans l'anxiété des devenirs partagés. L'essentiel, jusqu'alors noyé dans la foire des divertissements va advenir, s'imposer enfin tandis que la fièvre rôde. Le moustique de la question du sens va piquer tout le monde, et gageons que son dard saura traverser les peaux les plus rétives !
- Les sociétés vont faire « communautés civiques » ! La solidarité collective et son frisson d’humanité va faire sauter les barrages des réflexes de peur, de panique, de complots et enclencheront des vagues d’empathie et d’engagements civiques impensables il y a quelques semaines…
- Pour la première fois dans notre histoire collective nous esquivons la fixation sur un bouc émissaire ! L’ennemi c’est le virus et plus l’autre ! Ouf ! L'autre devient mon proche, mon semblable aussi imparfait et merveilleux que moi, qu'il aille à la mosquée, à la synagogue, au temple bouddhiste, au club des humanistes athées, au culte païen de la Mère Terre, peu importe : je partage avec lui une sacrée patate d'humanité ! Il n'y a plus de coupables mais des responsables et de malheureuses victimes ! Pour une fois, le seul moyen de s‘en sortir n’est plus de se jeter sur un ennemi commun fabriqué par la haine de la horde, mais la responsabilité individuelle et la co-responsabilité collective. C’est une révolution !
- Pour la première fois c’est l’alliance des mobilisations civiques et scientifiques qui engagent le combat, sans être parasitées par les institutions religieuses. Celles-ci sont contraintes, comme tout le monde, aux confinements et aux principes de précaution. On attend plus le miracle des Cieux, mais de la responsabilité civique et sanitaire collective alliée à la recherche scientifique !Ce qui est un pas exceptionnel dans la confiance en notre destinée humaine.
Nous ne sommes plus la créature contrainte éternellement à la contrition et à la repentance subjuguée par un Dieu écrasant, ni des égos factices coincés dans la roue cruelle du karma. Ce ne sont plus des châtiments qui nous tombent du ciel, mais des défis à affronter ! Nous pouvons faire fronts aux épreuves cataclysmiques par l’intelligence et la responsabilité collectives.
- Ce fieffé virus, à la force de frappe planétaire, tombe au moment où nous avons les moyens de communication les plus performants de l’histoire de notre espèce. Des moyens aussi rapides que lui ! Avec lesquels nous pouvons réagir et engager une résilience inouïe : construire des espaces virtuels d’éducation pour compenser la fermeture des écoles, développer le travail ubiquitaire à distance, inventer des mobilités nouvelles, repenser notre vivre ensemble à toutes les échelles, ressentir par les réseaux sociaux l’intensité de notre unité humaine et sa fragilité.
- Nous sommes invités à bâtir des solidarités - non plus fondées sur une générosité caritative « j’aime les pauvres et les malades » - mais des solidarités de co-responsabilité et d’interdépendance. Nous sommes solidaires par conscience que notre destin est lié à celui de tous, et non pas parce que Dieu ou mon évangile l’aurait dicté.
- Enfin partout devient le centre du monde et partout se posent des questions ultimes sur le sens de notre destin individuel et collectif. Dans les maisons, dans les tentes, dans les yourtes, dans la station spatiale internationale, dans les chambres des parents comme des enfants. Partout s’éveille une prise de conscience de la précarité de notre aventure collective, mais surtout de notre capacité à faire face ensemble, dès lors que nous le décidons.
Des micro-révolutions à la grande évolution !
Ce sont là juste quelques points de départ, dont je développerai dans d’autres textes la dimension évolutionnaire. Car ce que nous vivons dans notre corps et notre conscience est une révolution : un mouvement d'universalisation.
Nous devenons les uns et les autres des êtres-monde, que nous le voulions ou non. Non plus des bouts de nous-mêmes, recroquevillés comme des bigorneaux sur nos histoires inter-changeables, sur nos chapelles qui s'arrachent le salut, mais des bouts d’humanité en éveil. C’est la grande révolution évolutionnaire. La plus fabuleuse aventure que nous avons la chance de vivre et dont nous portons le rêve depuis nos premiers ancêtres hominidés.
Tout commence au pas de notre porte, dans un nouveau sourire à tous nos voisins. Car, nous le savons tous en notre for intérieur - les jours du vieux monde sont désormais comptés !
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