Journal évolutionnaire du 28/08/04 - Le grand corps du monde
Ces derniers jours passés entre le jardin, la Grèce antique avec Homère et l'Espagne médiévale avec Cervantès. Loin du monde direz-vous ?
Non, en plein, justement, le groin bien dedans, dans toutes ces éruptions de mondes en gestation. Avec l'Illiade d'Homère c'est la guerre à son comble et avec Cervantès le simulacre des narratifs hallucinés. Et dans ce bout de jardin, dans un magnifique coin du Tarn, je suis chez les ancêtres de Balzac, qui fut amoureux fou d'une polonaise ukrainienne. Les Ukrainiens continuent d'avancer sur le front russe. Kamala Harris cartonne, Trump fulmine et Macron maintien un statu quo institutionnel précaire. Israël et l'Iran préparent le combat ultime. Va-t-on au chaos ? La rumeur de la guerre se rapproche-t-elle ? L'accélération du changement climatique va-t-elle nous occire plus tôt qu'annoncé ? Ce sont des questions qui battent la chamade dans le grand corps du monde. Sans parler de la débâcle de l'Organisation des Nations-Unies qui ne joue plus le rôle de modérateur mondial. Du massacre des centaines de villageois par des djihadistes à Barsalogho au Burkina Faso. Et cette émergence d'entités géopolitiques fondées sur le ressentiment décolonial, le confettis des minorités et cette maudite inflation victimaire qui transforme l'unité précaire du monde en une multitude d'archipels identitaires de pleureurs bellicistes. Ouf ! Quel vertige ! On aurait presque besoin de lire le monologue de Molly Bloom qui constitue la dernière partie du roman Ulysses de James Joyce. Et encore, aucune digue de mots, même les plus transgressifs, ne peut réduire au silence le galop de la horde de mongol qui s'annonce dans la poussière de notre horizon d'humanité.
Et je suis intriqué dans ce grand corps en peine. Et dans cette accélération continue dont la stridence exaspère le silence du jardin. Cette stridence précisément, elle s'incorpore viralement en chacun et en tous. Même les poissons multicolores de la Mer Rouge ne peuvent plus dormir tranquille avec les drones des furieux Houtis.
Dans cette stridence alarmante que j'évoquais, on peut, plus en profondeur, distinguer une autre pulsation : celle qu'entendent et distinguent parfois les spationautes, confinés dans leur habitacle et plongés dans la nuit stellaire. Celle qui anime le robot Persévérance et lui intime de racler inlassablement le sol martien.
Celle qu'on entend quand on fait corps avec celui de notre espèce, surgit, hallucinée, de la nuit des temps. Au fait, J'élimine régulièrement des daturas qui sont communs dans le jardin, qu'on appelle aussi herbes des sorciers ou trompettes des anges. Les expressions vernaculaires sont riches de cette capacité à jouer avec les paradoxes et à distinguer plusieurs versants aux choses. Ce serait la plante qui aurait tué le grand Condorcet, associée à un mélange d'opium. Ces révolutionnaires humanistes laïques usaient de stimulants et d'hallucinogènes, encore un tabou prégnant. Je pense aussi à nos ancêtres primo humains. Comment sont-ils passés - sans les hallucinogènes si communs dans la savane - des borborygmes grognards aux mots en fleurs qui évoquent des visages, des ancêtres et des histoires à dormir debout ?
Mais je reviens à cette vibration au-delà de la stridence qui siffle l'urgence. Avec Yogi Besh Besh nous l'appelons le Swar. Elle pulse du fond des âges et accompagne l'odyssée de notre espèce dans le chaos du Cosmos. Elle s'entend, elle se voit, elle jubile partout. Elle nous traverse. Elle irradie dans la brutalité des évènements. Dans les tranchées du Donbass. Dans les cris de Gaza. Dans les fleurs violettes des patates douces qui s'allument au jardin. Elle nous dit, inlassablement, irréversiblement, que le meilleur de tous les possibles, oui, reste possible. Nous sommes, même titubants dans les aléas du temps, assommés par les moteurs passionnels et violents qui nous habitent, nous sommes les héritiers de lignages qui plongent dans l'infini. Et dont il est temps de parler ! Vive la suite !
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