Yogi Beshbesh et le souffle évolutionnaire !
Oui Cervantès notre frère en prophétie, un éternel fakir du Beshbeshitan ! Je m'en vais parfois avec lui deviser par les chemins de l’éternelle Castille sur son fameux destrier ! Nous moulinons alors le paysage de nos verbes herbus de fleurs et gantés de sens.
Nous l'aimons le faramineux Sidi Miguel immortel depuis 400 ans mais dont on ignore qu'il contribua à la zoharisation du monde !
- la zoharisation du monde ? demandais-je en souriant sachant que le Yogi attendait ma question...
- Tu ne sens pas cette brise créative partout ? Ne vois-tu pas cette buée que l'univers souffle sur la vitre de ta fenêtre intérieure ? Dessine une lettre de feu avec ton âme et tout s'ouvrira. - Oui certes Mon cher Mollah, Grand Rimpoché de mon âme, mais vous parliez du Zohar ? Ce livre obscur et foudroyant qu'un obscur rabbin du temps d'Al Andalus mit à jour dans l'atmosphère orageuse de la Reconquista ! Accueillez cher Mahatma le tapis de ma question et foulez-le des pas cadencés de vos réponses !
- Tu flattes si bien ton Maître que je ne puis me résoudre à contenir le plaisir de te répondre Ô futur grand Hassaniste ! Oui Le Zohar est un livre des grandes théophanies séphirotiques inspirés des grandes inspirations de l'âme du Monde. Son auteur putatif, Moshe ben Shem Tov de León était un drôle de bonhomme ! Je l'ai connu dans un cercle de rabbins d'Avila à la fin de sa vie. Il était humble, grand avec un visage émacié et triste. Il adorait l'ail et prétendait que cela éloignait les mauvais parleurs. Il ne semblait vivre qu'en évoquant les émanations spirituelles ou en s'attaquant furieusement aux averroïstes juifs. Notre confrérie beshbeshistane l'a soutenu en son temps par quelques bourses de dinars inattendues et inopinées.
- Mais mon propos - car je vois que tu insistes ! - et bien concerne la zoharisation du monde. C'est Cervantès que je connus par ailleurs lors de la bataille de Lépante puis dans les geôles d'Alger la barbaresque, c'est lui qui à l'insu de l'inquisition et de ses légats scrutateurs, lui qui par son style dégingandé et un tantinet ivre et grandiloquent, lui le picaresque, qui insuffla le souffle zoharique dans le mental de ses lecteurs. La lecture de Don Quichotte infuse nos âmes dans l'âme du monde. C'est un livre sacré et populaire qui translate dans la magie de son verbe et la pâmoison de ses images les codons hébraïques du Zohar et les cristaux de la méta--rationalité arabo-persanne dans le lit de la Renaissance européenne. Nous sommes tous des enfants de Don Quichotte. Un livre dont Cervantès nous apprend qu'il le copia d'un manuscrit arabe trouvé à Tolède. Sa contestation de la camisole du réel est la nôtre. Son rêve et ses amours étoilent le ciel de nos aspirations.
Pour la première fois l'imaginaire humain et le canasson de son égo faillible se cabrent ensemble pour changer le monde et combattre les moulins des dogmes et des certitudes. C'est cela la zoharisation du monde : le grand souffle évolutionnaire !
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Il fait nuit sur Casablanca. Yogi Beshbesh et moi batifolons dans les nuages du soleil couchant. La paupière du soleil se referme sur la mer. Je sens que nous allons quitter cette ville pour Marrakech la rouge, la ville alchimique. Où nous attendent les vieilles mémoires almoravides, leurs jardins, le cimetière juif et sa longue procession de savants, mais aussi le goût de miel du sourire du Grand Ahmed Baba de Tombouctou, savant du Sahel qui défendit en 1603 la cause des noirs et leur dignité à la Cour du Sultan El Mansour.