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Mantra pour les temps à venir - Partie 1



Le frisson d’humanité

Ce printemps silencieux nous laboure de l’intérieur avec de longs sillons  de râles et d’expirs. Dans les cimetières et les morgues s’entassent tous les nôtres, tragiquement évidés de la vie.

Tous ces nôtres, par milliers, par dizaines de milliers, par centaines de milliers de visages qui s’en vont et dont nous prolongeons désormais le souffle dans chacune de nos respirations.

Chaque soir, sur ma terrasse au pieds des montagnes de Chefchaouen j’invoque la teigne qui nous tue. Qui s’infuse en nous comme un parfum, enfièvre nos corps, affole nos voisins et infecte nos poumons de sa glue.

J’invoque les anges en blouses blanches qui - à bout de souffle écoutent, soignent, entubent, osent braver la mort - des anges qui ne cessent de grimper et descendre la longue échelle de Jacob.   

Chaque soir tandis que le buvard de la nuit estompe la lumière, la sirène hurle en annonçant un couvre feu sans guerre, j’observe la ville confinée qui s’illumine en cascade par ses milliers de fenêtres.

De la médina aux quartiers périphériques jusqu’aux hameaux les plus lointain des montagnes, chacun retient son souffle tandis que les télévisions et les radios annoncent les derniers chiffres de la contagion.

Les cables et les ondes relaient partout les tristes dénombrements. De Mexico à Toulouse, de Tombouctou à Chennai, de Cordoba à Shanghai, de New-York à nos montagnes du Rif marocain, c’est le même frisson d’humanité qui parcourent l’échine du monde. Et qui traverse chacun de nous.

Nous sommes une arborescence d’être

Depuis ma terrasse de Chefchaouen je réalise de jours en jours à quel point je suis relié à tous les miens. A quel point nos corps, autant que nos esprits, sont illusoirement séparés les uns des autres. Je réalise que la même biologie empathique nous unie à l’image des arbres qui font communauté dans les racines.

Comme la toile infinie des mycorhizes transmet d’arbres en arbres les indications de survie et de solidarité, nos cellules émettent le chant vibratoire de leur unité.

Cette unité nous la percevons encore plus dans la fièvre, l’urgence et la mobilisation collective qui traversent en cette heure le grand corps de notre espèce.

Nous la percevons d’autant plus fort que la contagion nous concerne et que nous risquons à chaque instant d’être la prochaine proie d’un virus affamé de nos vitalités provisoires.

Chaque jour désormais je respire cette unité cellulaire. Dans chaque inspir/expir j’inclus tous les miens, tous ceux qui sont en peine de souffle. Je fais corps avec le grand corps du monde tant oublié par les philosophes et les religieux.

Je plonge comme un cétacé dans l’unité cellulaire du peuple humain, dans la mer physiologique où s’enracine ses architectures et sa biologie vitale. Au fond de laquelle bat le coeur du vivant. Notre coeur à tous.

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