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Retrouver la Promesse Cosmologique cachée dans les monothéismes - Draft 1


Le siècle dernier nous a catapultés dans un nouveau monde étourdissant de fureur et de perplexité.

Un déroulé rapide non exhaustif et superficiel est déjà impressionnant : la fin de l'empire ottoman et du califat historique, les guerres mondiales, le communisme athée, la guerre froide, la censure religieuse et le mur de l'Est, la Shoah et la création de l'état d’Israël, le concile Vatican 2, l'émergence du tiers-monde, le nucléaire, l'écologie, l'échec de la Nahda (renaissance arabe), la fin des trente glorieuses, le désenchantement individualiste du monde, l'exploration spatiale, le relèvement de la Chine, Mai 68 et la sécularisation accélérée, la psychanalyse et l'existentialisme, les indépendances et l'entrée dans le monde post-colonial, le féminisme, la société de consommation, l'islamisme radical et l'échec de l'arabisme politique, le drame palestinien, la fin des idéologies de masse, la financiarisation et la marchandisation du monde, l'avènement d'internet...

Quand on y ajoute l'accélération du nouveau siècle avec le tournant du 11 septembre et la révolution digitale on ne peut qu'être saisi de vertige au regard de cette cascade de bouleversements !

On comprend à quel point ils sont entrés dramatiquement en collision avec l'ancien monde en pulvérisant littéralement la cohésion les sociétés traditionnelles.

Ils ont accéléré l'avènement d'un monde contemporain composite, pluriel, urbain, cosmopolite, hédoniste, hyper-informé et connecté, anxiogène et individualiste.

Un monde vertigineux de défis, de paradoxes, de contradictions, de fractionnements communautaristes, de crises identitaires, de mimétisme, de haine et d'empathie.

Un monde mit sous pression dans la camisole d'un présent virtuel et ubiquitaire en pleine mutation anthropologique et technologique.

Cette évolution, au pas de charge, n'a pas épargné les croyances et les monothéismes, bien au contraire. Elle est en passe d'engloutir ces derniers en frappant leurs versions traditionnelles d'obsolescence.

Le clocher et sa paroisse de village, la zaouia soufi et son moussem traditionnel, l'ashram rural védique, la synagogue d'antan, le chaman et ses rituels qui reliaient les morts aux vivants d'une communauté...Toute cela part en vrille et explose avec une violence dont nous ne mesurons que trop peu l'impact.

Cet impact massif se propage à la manière d'une bombe à neutron, par ondes de choc progressives et répétitives. Celles-ci corrodent les systèmes autoritaires gérontocratiques, déstabilise les dispositifs traditionnels de contrôle des filles et des femmes, met à jour scandaleusement l'hypocrisie des institutions misogynes, dévoile les revers cachés de l'instrumentalisation des pouvoirs religieux et politiques au profit de certaines classes sociales, décrédibilise les monopoles et les dominations raciales et culturelles.

Tandis que les clochers voient s'ériger des minarets et des stupas bouddhistes, que les églises modérées se vident, tandis que des stades se remplissent de pentecôtistes en transe avides de salut, que les gourous deviennent des managers et développent des empires de bien-être et de félicité addictive, que les athées ont droit de cité, que les moeurs se dénouent en mettant en cause les interdits et les assignations identitaires traditionnelles...Il semble que nous soyons emportés dans une réaction en chaine aux effets incontrolables.

La violence du choc est telle qu'elle menace d'engloutir, non seulement la version traditionnelle et archaïque du sacré et des monothéismes mais elle risque d'emporter dans son tsunami les monothéismes modérés, incapables de s'actualiser et de prendre la mesure prophétique de leurs impérieuses mutations.

La réactivation anxieuse des kippas, soutanes et burkas sont les spasmes nerveux d'une agonie des versions archaïques des monothéismes qui, poussés au pied du mur, pourraient être tentés par un emballement messianique à haut risque.

Le cas de Daech n'est qu'un premier signe de ces tentations paroxystiques de sectes à la dérive qui peuvent à tous moments prétendre porter le salut de l'humanité et se poser comme le glaive purificateur de Dieu.

N'ayant plus rien à perdre, elles peuvent se sentir missionnées pour accélérer la fin des temps et le jour du Jugement. Elles peuvent s'engouffrer dans des spirales nihilistes et s'en prendre directement "à l'humanité du péché" par tous les moyens d'extermination possibles, fussent-ils biologiques ou nucléaires . .............................

Mais direz-vous, qu'avons nous à faire de ces monothéismes, fussent-ils modérés ? N'est ce pas une bonne chose qu'ils deviennent obsolètes ? La sécularisation finira par en venir à bout et bon débarras ! Ritualismes archaïques, contrôle social des femmes, gérontocratie, entretiens de croyances superstitieuses, cultes de personnalités, compromissions avec les pouvoirs financiers et politiques, culpabilisation de la sexualité, mépris des minorités, contrôle de la liberté de penser et de créer, sans oublier les barbaries multiples au nom de la foi dont ils ont été les instigateurs quand ils n'en était pas directement les bras armés... L'hypothèse que je partage avec certains chercheurs, penseurs et agitateurs de la question est que les monothéismes ont été, en dépit de leurs insuffisances, de leurs outrances, de leurs crime et abominations, les matrices d'un avènement universaliste unique du droit, de la personne et de la raison, ce qui est déjà pas mal, on en conviendra, mais également plus encore, d'un sens et d'une mission cosmologique dont n'avons pas encore formulé les termes. Et dont je parlerai plus tard en terme de Nooscène.

Mais revenons à nos chers monothéismes.

Depuis l'Inde et la Grèce, l’Égypte, la Mésopotamie, pour faire bref, disons la Méditerranée, son Afrique (Égypte, Éthiopie, Soudan) et ses orients indiens, persans et turcomans, il s'est passé quelque chose d’incroyable et d'inouï.

Cette chose inouïe a surgi dans un terreau antique d'hybridations religieuses et polythéistes phénoménal. Elle a d'abord engrangé les dieux et les déesses dans sa vertigineuse matrice une peu comme ce fut le cas dans la Kaaba avant l'avènement de l'Islam selon le récit des traditionalistes musulmans.

Elle a ensuite frappé de stupeur et d'inspiration une série de figures tutélaires dont les narrations mythiques nous rapportent les gestes et les harangues prophétiques. On songe à la perplexité d'Abraham...appelé par un Dieu inédit jusqu'alors..., unique, invisible, créateur et... parlant !

Depuis les codes Hammourabi, la révolution égyptienne d'Aton, celles des Lois de Manu en Inde, les tables de la loi mosaïque, on assiste à une étrange contagion à laquelle prédispose un autre miracle, l'écriture.

La mise en texte des récits oraux par les rabbins hébreux constituant le corpus biblique a sans doute été un évènement phénoménal, un sein fécond au lait surabondant.

Ce lait "pneumatique" (spirituel en grec) riche en symboles et en promesses nourrira généreusement une extraordinaire profusion de sectes, de prophètes, d'ermites, de magiciens et magiciennes, de thérapeutes... Il nourrira les premiers pas de l'humanité - les récits de la Genèse et de l'Exode de la Première Alliance (Ancien testament), lesquels premiers pas conduisent nos ancêtres à s'extraire progressivement de la gangue des sacrifices humains, des rites propitiatoires intéressés, des réflexes et des peurs polythéistes...

Cette marche conduit ces bougres humains et leurs tribus dans une forêt de symboles et une Nouvelle Alliance qui dévoilera un Dieu qui ne parlera plus à un groupe par le biais de son seul représentant et prophète comme ce fut le cas avec Moïse et ses successeurs, ni par un rituel sacramental, une élection ethnique ou le carcan des seules lois.

Dans une série de paraboles contées par un étrange galiléen, le Dieu du Buisson ardent prend parole en douceur sur la place publique. Il s'adresse à toutes et à tous. Il ne s'agit plus d'un dialogue avec son Serviteur tremblant sur la montagne embrasée du Sinaï.

A travers Jésus, Dieu parle à tous d'une voix douce et rassurante ! Il ne réserve plus sa parole aux prêtres : il parle à chacun, scandaleusement ! Pire encore à une prostituée, à des bannis, à des pêcheurs, à des mourants, des malades et des morts !

Le Divin parlera désormais, dans un dialogue intime de dignité et de beauté, non plus seulement dans les temples, ou dans la parole orante et sanctifiée des prêtres, mais dans le coeur de chacun ! C'est une révolution copernicienne ! La Personne Humaine n'est plus un pauvre hère qui s'évalue en fonction de la puissance de sa tribu, de son poids d'or, de sa naissance, de sa caste... La Personne Humaine est sanctifiée car elle porte en son coeur la Dignité d'être en dialogue avec son Dieu. Mieux d'être en intelligence avec l'Intelligence Créatrice. Ce qu'avait presque deviné Aristote. Au point que plus bien plus tard, Ibn Sina et Ibn Rushd en firent presque un prophète !

L'émergence de l'Islam, dans sa dimension principielle probablement révolutionnaire, n'est pas la caricature piétiste et conservatrice que nous ont transmis les abbassides où les chiites, ni leurs héritiers jusqu'à nos jours.

Il porte l'étrange marque d'une modernité déniée. Son prophète ne fait pas de miracle, reste humble parmi les humbles, et transmet un texte qui met plus en avant Jésus que lui-même !

Confronté à une société tribale de chameliers commerçants polythéistes et conservateurs on ne mesure pas le tour de force phénoménal de restauration du monothéiste radical.

Les femmes ont un rôle bien plus important à ses côtés que ce que nous ont transmis les récits traditionalistes. Le volet économique profondément égalitaire de son message, dont on trouve les traces chez son gendre Ali a été escamoté. Le Coran évoque plus clairement, de manière stupéfiante et plus explicite que la Bible tout en restant dans son sillage, le destin proprement cosmologique de l'espèce humaine. Qu'on y songe donc avant d'éliminer les monothéismes. Certes ils ne survivront pas à leurs formes archaïques. Il faut reconnaitre qu'une grande partie des messages et des valeurs des monothéismes se sont sécularisés, les sociétés se trouvant - et on les comprend - plus à même de les porter elles-mêmes que de les laisser se confire dans le ventre des chevaux de Troie des appareils religieux.

Mais le monothéisme est bien autre chose qu'une histoire religieuse et le confondre avec les religions est la première erreur que l'on commet.

Il suffit d'ouvrir les yeux. On peut suivre dans son épopée en plusieurs étapes le dévoilement d'une Intelligence créatrice qui s'inscrit progressivement dans notre histoire, d'abord avec les symboles archaïques, des sacrifices, le feu, les tablettes, les lois jusque l'invitation personnelle à la Table de la Cène, cette incroyable invitation au dialogue et la sanctification personnelle de chacun.

La scène coranique de l'investiture cosmique d'Adam-Humanité nous plonge dans notre responsabilité de l'Anthropocène et nos devoirs envers la biosphère. Mais plus encore elle nous appelle bien au-delà : vers le futur Nooscène. Qu'on le veuille ou non, notre période est bien celle du premier monde qui ose se regarder en face, sur un mode inclusif et universel, en posant la question de l'égalité, de l'injustice, des droits d'existence et de liberté de toutes les minorités, du droit des personnes à la liberté de conscience, du droit des non-humains, de la souffrance du monde animal.

Nous devons cela aux valeurs transmises par les monothéismes et à leur infusion lente dans ce qui étaient des sociétés archaïques : un confettis de tribus où tout se réglait en malédictions sorcières, à coups de gourdins piqués de clous, avant de finir dans la marmite !

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Le monothéisme qui est le plus vulnérable, celui qui est le plus massivement exposé à la mutation accélérée est le catholicisme. Ce qui est un signe non pas de sa faiblesse, mais peut-être bien de sa force. Car il en a pris conscience avant les autres.

Mais on aurait tort de ne pointer que lui. La ligne de fracture n'est pas limitée au catholicisme. Elle traverse le protestantisme, le judaïsme, l'islam et l'hindouisme dans leurs versions modérées et éclairées. Tous sont désormais exposés dans une confrontation directe et parfois violente avec leurs versions archaïques, fondamentalistes, obscurantistes et régressives.

Cette confrontation n'en est qu'à ses débuts. Elle est le signe de mutations accélérées. Elle pourrait prendre des dimensions titanesques.

Ceux qui l'ignorent et croient que nous avons dépassé le religieux peuvent garder la tête dans le sable de leur aveuglement.

Il n'empêche que nous avançons sur un tapis miné de bombes, climatiques certes, socio-politiques, identitaires-communautaires... Mais les monothéismes archaïques n'en sont qu'au début de leur déchaînements apocalyptiques. A moins que nous sachions les prévenir !

Il importe de comprendre ce qui se passe avant qu'ils n'explosent en faisant exploser la planète par leur déchainement mimétique et messianique. Il importe de mesurer l'urgence 'du réchauffement dogmatique" en cours et d'y parer.

Le meilleur moyen de cette esquive serait que les monothéismes de l'Intelligence mutent ! Et qu'ils entrent en intelligence avec le Nooscène, dans le futur de la création dont ils portent les annonces.

Encore faut-il qu'ils s'éveillent à ces annonces dont à l'image de Marie ils se trouvent fécondé.

La question qui se pose à chacun d'eux n'est plus le blabla des commentaires et des légitimités, de la morale, de la charia et de l'éthique, des préséances ou des compétitions statistiques, du balancier des modérés face aux extrêmes, ni la moussaka de la mystique, ni la tarte à la crème de l'inter-religiosité.

Il se pose l'urgence prophétique de leur vocation cosmologique. Sans cette mutation des monothéismes, sans leur poussée chrysalidique, sans leur sortie d’Égypte, ils finiront par déteindre dans l'environnement sécularisé et toxique d'un mainstream "culturel et spirituel" d’accommodement.

Ce faisant ils perdront le souffle de l'ardeur et de la foi, l'affirmation de visions nouvelles et l'engagement dans les utopies de l'Espérance.

Ils finiront dévorés par les chiens enragés de leurs extrêmes et le monde sombrera dans le trou noir des fanatismes déchainés.

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Oui mais alors qu'est-ce la vocation cosmologique des monothéismes ? Leur poussée chrysalidique ? En quoi sont-ils annonciateurs du Nooscène ? Qu'ont-ils à nous dire de ce qui se prépare de menaçant et d'exaltant au-delà du grand mur de glace évoqué dans la série The Game of Thrones ? Au-delà de chacun de nous ?

Pourquoi - et il suffit d'écouter les émissions religieuses, de suivre les publications, les théologiens les plus innovants, de discerner les lignes de crêtes - pourquoi les monothéismes restent-ils dans le champs d'un religieux poussif, conventionnel, répétitif, de ré-interprétation ? Pourquoi se montrent-ils incapables d'accompagner la poussée créatrice du monde, en ses déchirements et ses nouvelles théophanies ?

C'est ce chemin paradoxal et créatif que j'ai le plaisir d'explorer. Un chemin que j'engage modestement dans les vallées de ces questionnements fertiles. Il n'est pas unique, mais à la croisée d'autres regards et de travaux, qui restent trop rares cependant.

Il n'est pas religieux, ni partisan, il est à la croisée des monothéismes car nous sommes aucunement enfermés dans la partition ridicule d'un seul d'entre eux. Mais sommes constitués de la même argile adamique, dotés également de parole pour dialoguer avec la Parole, d'Intelligence pour se relier à la Grande Intelligence.

Cette dernière nous appelle à la deviner, à la rechercher, à grandir pour venir à elle, à la rejoindre en étudiant et en voyageant à rebours du temps dans un cosmos que les mystiques nous ont décrit en mille métaphores prémonitoires de notre destin stellaire.

Ce voyage n'est plus le fait d'un simple mammifère clapotant dans sa mare et ses rêves hallucinogènes, mais celui d'un explorateur conscient en quête de l'intelligibilité des mondes. A travers les trous noirs, l'énergie grise, le big bang le petit d'homme effectue sa lente remontée consciente vers les origines de son Humanité.

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Finalement on peut résumer cette démarche ainsi : accompagner la marche d'éveil de notre humanité au Nooscène.

Non pas l'humanité angélique céleste, éthérée, désincarnée ou ascensionnée des mystiques et des gnostiques, mais notre humanité fumante et incarnée, aux mains impures mais à l'âme héroïque et habitée de rêves solaires.

L'humanité en marche d'Ulysse, d'Arjuna, d'Antigone, de Don Quichotte, de Sounjata Keita, de Shéhérazade et de la Reine Kunti et de tout un chacun, qui dans le fleuve de notre devenir commun, ose plonger un regard intrigué dans le carillon silencieux des étoiles.

L'idée centrale sur laquelle je travaille depuis quelques semaines est que les monothéismes - de l'Indus au Moyen-Orient - portent témoignage diversement mais de manière faramineuse et convergente de l'avènement du monde qui vient.

Les monothéismes, leurs textes et leurs mythes ne nous parlent pas du passé mais de l'avenir. Il importe de changer le coté de la lorgnette et de regarder notre temps depuis la Promesse Cosmologique dont nous sommes pétris depuis notre avènement inédit dans les territoires de la Conscience.

Depuis que l'Univers se découvre et grandit à travers nous. Depuis que nous comprenons que la terre n'est pas la limite de notre destin, mais seulement son berceau...

Depuis que nous savons que petit à petit, depuis la musaraigne aux bonobos, se dessine en nous le Visage de Celui qui nous a crée.


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